Principe
Seuls quelques matériaux, comme certains métaux et le verre, présentent une très faible perméabilité aux gaz. Les matériaux de construction (béton, brique, plâtre…) ne sont pas, pour la plupart, pleinement hermétiques à la pénétration des gaz.
L’étanchéification d'un bâtiment consiste alors à le rendre moins perméable aux gaz et à empêcher ainsi leur intrusion dans les bâtiments. Plusieurs solutions indépendantes les unes des autres sont disponibles et consistent à :
- Appliquer un revêtement sur/sous une dalle béton,
- Interposer une barrière extérieure d’étanchéité sur les fondations et parties inférieures du bâtiment,
- Réaliser une dalle de béton moins perméable.
Description
Du fait de leurs limites techniques, les opérations de dépollution conduisent généralement à laisser en place des pollutions résiduelles. Lorsqu’il s’agit de pollutions volatiles, une des premières solutions visant à limiter voire empêcher l’intrusion de vapeurs dans les bâtiments consiste à limiter la perméabilité de ces derniers. Différentes méthodes permettent d’améliorer l’étanchéité de bâtiment :
Revêtements
Un revêtement peut être appliqué sur ou sous une dalle béton. Différents procédés peuvent être envisagés :
- Les feuilles synthétiques préfabriquées (généralement du PolyEthylène Haute Densité (PEHD)) sont relativement peu onéreuses et faciles à mettre en place. Ces produits existent sous forme « souple » en rouleaux (ils sont utilisés pour étancher la partie inférieure des stockages de déchets, ou de retenues d’eaux), mais aussi sous forme de plaques rigides, équipées de picots, qui permettent de les rendre solidaires d’un béton (avant sa prise). Un endommagement lors de la mise en place (ce qui est plus fréquent pour les films souples) ou un mauvais raccordement entre les feuilles (qui doivent être raccordées par thermosoudure, tâche assurée par des poseurs habilités à cette opération) peut nuire à l’étanchéité. Ainsi, il est plus judicieux d’utiliser des membranes suffisamment épaisses et de poser ces feuilles sur un sol aplani et propre ne présentant pas d’objet pointu ou contondant (ou sur un géosynthétique anti poinçonnant), afin d’éviter tout endommagement.
La mise en place d’une membrane d’un seul tenant sera privilégiée afin de limiter les risques de faiblesses d’étanchéité à l’interface de deux lès. A défaut, une attention particulière sera portée à l’étanchéité au niveau des jonctions entre les lés : un recouvrement minimal de 15 à 20 cm est préconisé. Bien que la jonction de la membrane puisse être réalisée à l’aide d’un scotch double-face adéquat après nettoyage des surfaces à coller, il est fortement recommandé que la jonction soit réalisée par soudure thermique, étant donné qu’aucun contrôle ne pourra être réalisé après réalisation de la dalle. Il faudra être vigilant vis à vis des préconisations du fabricant afin de ne pas endommager la membrane lors de cette soudure et pratiquer un contrôle des soudures (ces opérations de pose, soudure et contrôle sont réalisées par des entreprises spécialisées et disposant des agréments nécessaires).
- De même, une vigilance particulière devra être portée à l’étanchéité de l’ancrage de la membrane au niveau des murs, des fondations ainsi qu’au niveau des traversées de VRD (Voirie et Réseaux Divers). Le lecteur pourra se reporter à la fiche relative au Système de Dépressurisation Sous Membrane (SDSM) ainsi qu’au projet EVALSDS (2018). Un contrôle qualité lors de l’installation est essentiel pour assurer une bonne étanchéité de l’installation. L’étanchéité des soudures peut être vérifiée par mise en pression du canal qui sépare les deux cordons de soudure (doubles soudures) et l’étanchéité globale en injectant sous la membrane de la fumée ou un gaz traceur (par exemple un mélange d’azote et d’hélium) facilement détectable à l’aide d’appareil de mesures spécifiques.
- Les revêtements à base de polymère. Ils se distinguent par leur très bonne adhérence avec le béton et l’acier et leur bonne résistance aux contraintes mécaniques. Deux classes de résines sont principalement reconnues : les résines époxy et les résines polyuréthanes. La deuxième catégorie résiste mieux aux microfissures. En cas de fortes contraintes (circulation, manutention, …), il conviendra de vérifier la durabilité de ces revêtements avec le fabricant et/ou l’installateur.
- Les membranes appliquées en spray (exemple : procédé Liquid Boot®, développé par la société CETCO). Une photographie de la mise en place de ce produit est présentée ci-dessous.
- Des revêtements bitumineux peuvent également être appliqués sur les murs latéraux extérieurs. On rappelle pour mémoire que leur durée de vie varie selon leur exposition aux rayonnements solaires, ce qui dans le cas présent ne posera pas de problème, les murs à étancher étant a priori enterrés. Leur durée de vie est généralement assez élevée (de l’ordre de 30 à 40 ans).
Barrière extérieure étanche
L’installation d’une barrière extérieure d’étanchéité sur les fondations et parties inférieures du bâtiment peut également être envisagée.
Dans les bâtiments en construction, l’intégration d’une membrane aux fondations peut être envisagée pour lutter contre l’infiltration de gaz. Généralement en PEHD ou PVC, elles sont placées avant coulage du radier et rabattues ensuite de manière à couvrir tous les murs enterrés (cas des films souples), ou intégrées à la dalle lorsque celle-ci est coulée (plaques rigides). Ces produits sont également utilisés dans les parois moulées verticales afin d’assurer une protection latérale (horizontale) contre les infiltrations d’eau, mais aussi de gaz.
Lorsqu’ils sont intégrés aux fondations d’un bâtiment, ces produits doivent être mis en place au-dessus d’une couche de matériaux filtrants (massif filtrant et drain) qui permettra de drainer et d’évacuer les gaz. L’évacuation des gaz est nécessaire afin de prévenir leur accumulation sous la membrane et à terme dans le bâtiment si une ouverture se produisait dans la membrane. Les évents (exutoires du gaz) doivent être positionnés dans un « point haut », notamment si l’évacuation des gaz est assurée par un système passif (ventilation naturelle). Le système peut également être associé à un système d’extraction actif. Il est préférable que cette mesure soit étudiée dès la conception du projet afin de juger de son impact financier. Son installation doit être contrôlée afin de s’assurer de l’absence de dommages.
Le principe de cette méthode se rapproche du cuvelage externe parfois installé sous, voire autour, d’un bâtiment afin de gérer la remontée des niveaux d’eau.
Réaliser une dalle moins perméable aux gaz
En premier lieu, il est bien entendu qu’aucune surface en terre battue ne devra être laissée à l’intérieur du bâtiment. En effet, cette zone de forte perméabilité sera un chemin préférentiel très important et permettra l’intrusion de polluants volatils. Ainsi, la réalisation d’une dalle de béton d’une faible perméabilité peut également être envisagée.
En premier lieu, l’intrusion de polluants volatils est facilitée par les fissures pouvant apparaitre dans du béton. Cette fissuration est liée à plusieurs types de facteurs et débute dès la phase de séchage, avec une intensité plus ou moins importante, dépendant de :
- Sa composition : teneur en eau, nature du ciment, teneur en ciment et en agrégat, nature et dosage des additifs éventuels, humidité, température,
- Ses conditions de mise en œuvre et ses caractéristiques structurelles : la façon dont la dalle est coulée, le mode et le type de ferraillage, son épaisseur, sa superficie, sa réalisation d’un seul tenant ou en plusieurs partie, l’existence de raccords, joints de dilation, le temps et les conditions de séchage, sa conception en dalle portée ou indépendante, le type de plancher bas, etc…,
- Ses conditions d’utilisation : l’usure mécanique liée au mouvement du sol, aux déformations de la structure du bâtiment, à l’entretien etc...
Lors de la conception d’un bâtiment, il est possible de limiter les risques de fissures en renforçant le béton avec des métaux ferreux ou des fibres et/ou en favorisant un béton de haute qualité (peu perméable). Les performances du béton seront améliorées en augmentant la teneur en ciment ou en diminuant la teneur en eau par ajout d’adjuvants spécifiques tels que :
- Les super-plastifiants
Ce sont des polymères utilisés dans l’industrie du béton. L’addition d’adjuvants dans la composition du béton permet notamment de jouer sur la teneur en eau du béton et donc de le rendre moins perméable à l’air et aux polluants volatils.
L’introduction de ces adjuvants ne doit jamais se faire à sec : ils peuvent être introduits par exemple dans l’eau de gâchage avant le mélange avec le ciment. Le recours et l’utilisation de ces adjuvants doivent être réalisés par une entreprise spécialisée afin d’assurer un bon dosage, une bonne homogénéisation du mélange et surtout une bonne application. - Les adjuvants minéraux
Des adjuvants minéraux en poudre, à l’instar des cendres volantes, peuvent améliorer encore davantage la perméabilité des bétons. Les cendres volantes et les matériaux pouzzolaniques, comme les cendres volcaniques, l'argile et les schistes calcinés, peuvent remplacer une partie du ciment. Ils peuvent ainsi contribuer à augmenter la résistance finale et l'imperméabilité du béton comme le montre le tableau ci-dessous. Les cendres volantes peuvent remplacer jusqu’à un tiers de la quantité de ciment initiale.
Béton utilisé | Perméabilité estimée (m.s-1) |
---|---|
Béton avec cendres volantes | < 10-13 |
Portland normal (eau/ciment = 0,4) | 10-12 |
Ces deux types d’adjuvants permettent d’obtenir des bétons haute performance qui se caractérisent par une forte compacité et une très faible porosité. En découlent alors des performances spécifiques :
- Résistance à la corrosion,
- Faible perméabilité (à l’eau, à l’air, aux gaz…), ce qui constitue une barrière d’étanchéité,
- Gain en termes de coût (baisse de la consommation d'eau et de ciment),
- Intérêt environnemental : valorisation de coproduits industriels, obtenus à partir des résidus de l’industrie du papier, pour certains super-plastifiants.
Contrôles préalables, résultats et conclusions
Échantillonnage et analyses chimiques
Afin de déterminer si des mesures constructives doivent être mises en œuvre, des analyses de gaz de sol au droit (ou à proximité immédiate) du bâtiment à construire doivent être réalisées. Les paramètres recherchés devront être adaptés aux polluants susceptibles d’être présents dans les gaz de sols. En ce qui concerne les modalités de caractérisation des gaz de sol et de l’air intérieur, le lecteur est invité à se reporter au guide BRGM/INERIS (2016) et à la norme NF ISO 18400-204 (juillet 2017).
Recommandations post-installation
Idéalement, un suivi de l’installation à distance est recommandé afin de limiter la gêne pour les occupants du bâtiment.
Mise en place d'un bilan quadriennal intégrant :
- Contrôle de la qualité de l'air dans la partie inférieure du bâtiment (1er niveau au-dessus d’une membrane et rejet) tous les 3 mois la première année (si l'exposition est potentiellement longue à ce niveau) ou tous les 6 mois la première année (si l’exposition est limitée à ce niveau : cave, parking, …), puis possibilité d'adaptation de la fréquence en fonction de l'évolution des résultats (stabilité ou baisse),
- Vérification de l’intégrité de la dalle ou de tout revêtement accessible à chaque visite,
- Vérification du bon état du réseau d’évacuation des gaz drainés le cas échéant ainsi que contrôle de la qualité du rejet tous les 3 mois la première année, puis possibilité d'adaptation de la fréquence en fonction de l'évolution des résultats (stabilité ou baisse).
Applicabilité
Aucune limitation en terme d’applicabilité ne semble exister a priori puisqu’il s’agit d’adapter le projet à la problématique rencontrée.
Facteurs limitants
Dans le cas de bâtiment à construire, peu de facteurs limitants sont identifiés puisque le projet pourra être adapté en conséquence.
Coûts
Mesure constructive | Coût d’installation (matériel et main d’œuvre, hors étude préalable et supervision) | Source / Date |
---|---|---|
Revêtement bitumineux | 10 à 60 € HT/m2 | US Bureau of Reclamation, 2001; Retour d'expérience interne, 2013. |
Membrane plastique | 3 à 40 € HT/m2(hors préparation préalable du sol) | US Bureau of Reclamation, 2001; ITRC, 2007; Retour d'expérience interne, 2013. |
Résines époxy ou polyuréthane | 10 à 20 € HT/m2 | US Bureau of Reclamation, 2001. |
Membranes en spray | 10 à 35 € HT/m2 + 10 à 13 € HT/m linéaire de tuyauterie | US Bureau of Reclamation, 2001; ITRC, 2003. |
Etanchéité extérieure (membrane) | 3 à 50 € HT/m2 | US EPA, 2008; ITRC 2003. |
Adjuvants et superplastifiants béton | 0,5 à 0,7 € HT/m2 | Site francebeton.com, 2002. |
Remarque : Pour certaines techniques, le retour d'expérience est faible ou inexistant en France. Les tarifs en dollar généralement rencontrés aux USA ont été convertis en euros. Il est possible que les tarifs indiqués ne représentent pas fidèlement les tarifs du marché français.
Mesure constructive | Coût de fonctionnement / consommation électrique | Coût d’entretien (hors prélèvements et analyses éventuels) | Paramètres influençant principalement le coût |
---|---|---|---|
Revêtement bitumineux | Aucune | Aucun | Surface, état et type du support |
Membrane plastique | Aucune | Aucune (sauf si elle est endommagée) | Surface, nécessité de raccorder plusieurs lès, présence de réseaux à étancher |
Résines époxy ou polyuréthane | Aucune | A renouveler lorsqu’elle est endommagée | Surface et usage après application (présence de frottements mécaniques par exemple) |
Membranes en spray | Aucune | Surface, topographie du terrain, présence de réseaux | - |
Etanchéité extérieure (membrane) | Aucune | Aucun | Surface, profondeur et existence de réseaux à étancher |
Adjuvants et superplastifiants béton | Aucune | Aucun | - |
Références
Bibliographie
BRGM (Août 2014)
Guide relatif aux mesures constructives utilisables dans le domaine des SSP
Leprond H., Lion F., Colombano S. avec la collaboration de Windholtz J.(2014)
Rapport final BRGM/RP-63675-FR,172p., 26 fig., 19 tabl., 5 ann.
http://ssp-infoterre.brgm.fr/guide-relatif-aux-mesures-constructives
http://infoterre.brgm.fr/rapports/RP-63675-FR.pdf
BRGM - INERIS (2016)
Guide pratique pour la caractérisation des gaz du sol et de l’air intérieur en lien avec une pollution des sols et/ou des eaux souterraines
BRGM RP-65870-FR - Rapport INERIS-DRC-16-156183-01401A
http://ssp-infoterre.brgm.fr/guide-pratique-caracterisation-gaz-du-sol-et-air-interieur
Bureau of Reclamation (2001)
Construction Cost Table - Canala Lining Demonstration Project - June 1, 2001
PN Regional Office Boise, ID and Bureau of Reclamation, Denver Technical Center Denver, CO
EVALSDS (2018)
Recommandations pour la réalisation d’un système de dépressurisation des sols à fonctionnement naturel, de la conception a la maintenance
ADEME
https://librairie.ademe.fr/urbanisme-et-batiment/1485-evaluation-de-la-performance-des-systemes-de-depressurisation-du-sol-a-fonctionnement-naturel-l-.html
ITRC (2003)
Vapor Intrusion Issues at Brownfield Sites
Guide ITRC (Interstate Technology & Regulatory Council)
https://www.epa.gov/sites/default/files/2015-05/documents/brnfld-1.pdf
ITRC (2007)
Vapor Intrusion Pathway: A Practical Guideline
Technical and Regulatory Guidance.VI-1
ITRC (Interstate Technology & Regulatory Council).
Washington, D.C.: Interstate Technology & Regulatory Council, Vapor Intrusion Team
https://www.itrcweb.org/Documents/VI-1.pdf
JOHNSON R. (2001)
Protective measures for housing on gas-contaminated land
ISBN 9781860814600 , 70 p.
IHS BRE Press
NF ISO 18400-204 (Juillet 2017)
https://www.boutique.afnor.org/norme/pr-nf-iso-18400-204/qualite-du-sol-echantillonnage-partie-204-lignes-directrices-pour-l-echantillonnage-des-gaz-du-sol-/article/842404/fa184952
Site FranceBeton.com
Tarifs
https://www.francebeton.com/tarifs.htm
US EPA (2008)
Enginnering Issue: Indoor Air Vapor Intrusion Mitigation Approaches
Science Applications International Corporation.
U.S. Environmental Protection Agency, Washington, DC, EPA/600/R-08/115, 2008.
https://cfpub.epa.gov/si/si_public_record_report.cfm?Lab=NRMRL&dirEntryId=191565