Principe
La technique consiste à mélanger les sols pollués avec de l’eau et divers additifs afin de mettre les particules de sols en suspension dans l’eau et de former un mélange boueux. Les boues obtenues sont traitées par voie biologique dans des bioréacteurs puis sont déshydratées.
Caractéristiques
Caractéristiques | Polluants traités |
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Mise en œuvre : Sur site ou hors site Nature : Méthode biologique Matrice : Sol Domaines d'application : ZNS, ZS Terme anglais : bioslurry Codification/norme : C325a |
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Description
Les sols sont triés, émottés, criblés avant traitement ; d’une manière générale, ne sont conservés que les particules de sols de granulométrie très fine. Si nécessaire, un lavage peut être réalisé.
Par la suite, les sols sont mélangés avec de l’eau en quantité suffisante pour maintenir les matières solides en suspension (typiquement 10 à 40% (m/m) de solides) ; ce qui permet donc un meilleur contact polluants/micro-organismes et facilite aussi le fonctionnement enzymatique. Le ratio du mélange eau/solide dépend de la concentration en polluants, du taux de biodégradation et de la nature des solides. Parfois, divers additifs sont ajoutés afin de favoriser la biodégradation (tensioactifs afin de rendre les polluants plus biodisponibles, nutriments, acides ou bases afin de maîtriser le pH …).
Ensuite, les boues sont mélangées dans le bioréacteur ; de l’oxygène est ajouté par simple brassage ou si nécessaire par bullage (la majorité des bioréacteurs est aérobie). Les bioréacteurs sont de divers types : alimentation en continu ou en batch, procédés à cultures libres ou fixes, procédés aérobies ou anaérobies (les moins courant), procédés extensifs ou intensifs. La filière de traitement et sa complexité peuvent varier d’un simple lagunage à un procédé proche d’une station d’épuration performante.
Des microorganismes sont ajoutés si nécessaire (bioaugmentation).
Les matières solides et les eaux sont séparées une fois que la dégradation biologique est finalisée. Les sols sont déshydratés dans des unités similaires à celle du traitement des boues classiques. Il faudra par la suite disposer des sols (décharge, réutilisation sur site).
Les eaux sont pro parte recyclées (pour réensemencer le bioréacteur) et pro parte traitées avant rejet (le type de traitement dépend alors des normes de rejets imposées).
Si nécessaire les rejets gazeux devront être traités.
Moyens matériels
Le traitement par bioréacteur peut présenter de multiples variantes, les principaux éléments génériques constituants ce traitement sont les suivants :
- une plateforme de prétraitement des sols (homogénéisation, criblage, lavage si nécessaire…),
- une unité de fabrication des boues (mélange sols/eaux),
- un bassin d’aération (avec un dispositif d’injection d’oxygène si nécessaire), un dispositif de mélange des boues, une unité de préparation et d’ajouts des additifs (matériel relatif à l’ajout de nutriments, de bactéries, de tensioactifs, de composés acides ou alcalins),
- du matériel de contrôle des conditions du milieu (oxygénation du milieu, concentration des nutriments, température, densité de la population microbienne en place),
- un clarificateur/décanteur (l’eau épurée est séparée des solides),
- un dispositif de récupération et de recirculation des eaux (les eaux récupérées dans le clarificateur sont dirigées vers l’unité de fabrication des boues),
- une filière de traitement des eaux avant rejet,
- un dispositif d’extraction et d’évacuation des sols,
- une filière de traitement des boues (décanteurs, épaississeurs, filtres presses, filtres à bandes presseuses, centrifugeuses …..),
- un stockage des déchets solides et liquides issus du traitement.
Paramètres de suivi
Les paramètres à suivre lors d’une opération de traitement par Bioréacteurs sont les suivants :
- la granulométrie et les matières en suspension,
- le débit, le temps de séjour,
- les paramètres relatifs au bon développement des bactéries :
- pH, température, conductivité, potentiel redox,
- ratio C/N/P/K, teneurs en éventuels additifs,
- si nécessaire dénombrement bactérien dans les sols et dans l’eau,
- les concentrations en polluants dans les sols et les eaux (suivi de la production de CO2 notamment),
- les concentrations en sous-produits de dégradation,
- si nécessaire, concentrations en polluants dans les rejets atmosphériques et paramètres relatifs au traitement des gaz (débits, dépression, perte de charge, saturation du charbon actif….),
- si nécessaire, concentrations en polluants dans les rejets liquides et paramètres relatifs au traitement des eaux (débits, saturation des filtres….).
Variantes
Il existe de nombreuses variantes de Bioréacteurs et des procédés associés :
- au niveau de la plateforme de prétraitement des sols : lavage avec des tensioactifs, récupération des phases légères, préoxydation de certains polluants (afin de les rendre plus biodégradables),
- travail en continu à l’aide de cultures libres (CFSTR - Continuous Flow Stirred Tank Reactor - Réacteur agité alimenté en continu, PlugFlow) ou avec des cultures fixes ; travail en discontinu (batch..),
- bactéries allochtones ou autochtones,
- système d’aération (brassage, passif, bullage ….), en cas de dégradation aérobie,
- dégradation aérobie ou anaérobie.
Applicabilité
Cette technique est plus adaptée que les autres technologies biologiques pour le traitement des polluants peu biodégradables et à des concentrations importantes. Elle est aussi plus applicable à des sols fortement argileux et hétérogènes.
Ce procédé s’applique à des sols pollués par les produits pétroliers (de type gasoils, fuels, kérosène), COV, SCOV, COHV, SCOV, pesticides, certaines coupes pétrolières lourdes (HAP, huiles organiques …), solvants, PCB, conservateurs du bois (pentachlorophénols) et explosifs peuvent aussi être traités.
Des traitements séquentiels aérobie/anaérobie sont utilisés pour traiter les PCB, les SCOHV, les pesticides.
Cette technique n’est pas destinée au traitement des métaux/métalloïdes sauf dans certains cas (par exemple pour la valorisation des minerais par biolixiviation de certains métaux/métalloïdes et/ou éviter un drainage minier acide).
Faisabilité et dimensionnement
Faisabilité
La faisabilité d’un traitement est évaluée à l’aide d'essais :
- d’orientation qui visent à valider la possibilité de mettre en œuvre une technique de dépollution ;
- d’évaluation des performances qui servent à vérifier l’atteinte des objectifs et permettent d'estimer la vitesse du traitement donc sa durée.
Le guide méthodologique « Traitabilité des sols pollués » de l’ADEME (2009) vous donnera des éléments vous permettant de vérifier la faisabilité de la technique sur votre site.
Dimensionnement
Le dimensionnement relève d’un travail d’ingénierie en aval des essais de faisabilité.
Les données nécessaires au dimensionnement sont essentiellement recueillies lors des tests de biodégradabilité (oxygénation du milieu, concentration des nutriments, température, densité de la population microbienne en place, temps de réaction). Les exutoires des sols doivent être étudiés d’une manière approfondie ; un des paramètres les plus importants est le pourcentage d’humidité, qui va par la suite conditionner le type d’exutoire. Ces tests, associés à la prise en compte des paramètres intrinsèques du milieu et des caractéristiques des polluants (granulométrie, coefficient de sorption, volatilité...) vont permettre de définir les conditions d’opération optimales et le dimensionnement de l’unité de traitement :
- caractéristiques du mélange solide/liquide (ratio, viscosité …) et énergie nécessaire pour le mélange,
- nombre et type de bioréacteur(s) : dimensions, type d’alimentation, temps de séjour, température, taux d’oxygène, taux de recirculation, ajout de nutriments (C/N/P/K …) et des éléments associés, conditions optimales du milieu, type de décanteur/clarificateur (temps de séjour),
- type et puissance de la pompe de recirculation et des éléments associés (cuve de stockage, système de mélange),
- type et puissance de l’aération,
- dimensions des unités de traitement des rejets liquides en fonction des pourcentages épuratoires imposés par le milieu,
- éventuellement les dimensions des unités de traitement des rejets atmosphériques en fonction des pourcentages épuratoires imposés par le milieu.
L’Union des Professionnels de la Dépollution des Sites (UPDS) a déterminé les paramètres à fournir pour permettre le dimensionnement des traitements :
a. Définition du projet
- Délais,
- Objectifs de traitement (sols et/ou eaux et/ou gaz du sol),
- Seuils de dépollution ou profondeur/volume d'excavation,
- Seuils de rejet à l'air,
- Volume à traiter,
- Devenir des terres après traitement.
b. Site
- Accessibilité : au site, au chantier, à la zone de travail,
- Obstacles aériens et de surface (y compris encombrants),
- Obstacles souterrains (réseaux enterrés, fondations, blocs ...),
- Présence d'ouvrages avoisinants, bâtiment, ...,
- Contraintes liées à l'environnement, aux riverains,
- Site en activité, coactivité,
- Durée de mise à disposition des terrains,
- Contraintes H&S et réglementaires liées au site,
- Topographie de surface,
- Surface disponible pour unité,
- Utilités et distance par rapport à la zone de traitement (eau, électricité - pour électricité : puissance),
- Gardiennage (prévu ? ou à prévoir ?),
Pour les traitements d'eau :
- Emplacement du point de rejet.
c. Sol ou matériau à traiter
- Géologie /lithologie ou nature des sols,
- Terres en place ou déjà excavées,
- Granulométrie,
- Taux de fraction argileuse,
- Humidité,
- Teneur en azote,
- Flore bactérienne.
d. Polluants
- Type (nature),
- Concentrations (cartographies de pollution dans les sols, l'eau, les gaz du sol),
- Présence de produit pur (flottant, coulant, piégé…),
- Estimation du stock,
- Teneurs en hydrocarbures par fraction : C5-C10 volatils hors BTX, C10-C20, C20-40, >C40,
- BTX, HAP, PCB, ...,
- Métaux,
- Cyanures,
- Tests de biodégradabilité,
- Représentativité des échantillons et variabilité des valeurs.
e. Aquifère
- Données locales issues d'essai de pompage :
- Perméabilité,
- Coefficient d'emmagasinement,
- Porosité,
- Gradient,
- Épaisseur de la nappe,
- Profondeur,
- Niveau statique,
- Épaisseur de la ZNS,
- Amplitude des variations saisonnières,
- Anisotropies,
- Carte piézométrique / direction d'écoulement.
f. Essais de traitabilité
Les documents suivants issus du guide sur la « Traitabilité des sols pollués » de l’ADEME (2009) vous donneront des éléments vous permettant de vérifier la faisabilité de la technique sur votre site.
Avantages et inconvénients
Le traitement par Bioréacteurs présente les avantages suivants :
- technique éprouvée ayant démontré une grande fiabilité et des résultats extrêmement significatifs,
- procédé destructif,
- technique adaptée pour les sols hétérogènes (peu d’interférence avec le résultat final),
- technique adaptée pour les sols limoneux et argileux,
- technique plus adaptée (que les autres traitements biologiques on site et in situ) pour les sols pollués par des composés peu biodégradables ou présents en concentration importante (parfois jusqu’à 250 g/kg pour certains types d’hydrocarbures) ; cette technique permet un excellent contrôle des paramètres intervenant dans le processus de biodégradation,
- compétitivité en terme de performance,
- fiabilité,
- applicabilité à de nombreux polluants même à des concentrations importantes,
- la durée de traitement est plus courte que pour les autres traitements biologiques (1 à 9 mois),
- technique plus particulièrement intéressante si l’apport de souches spécialisées est indispensable (bioaugmentation),
- amélioration des qualités physiques des sols (taux de matière organique notamment).
Ses inconvénients et ses facteurs limitants sont les suivants :
- technique nécessitant l’Excavation des sols,
- technique nettement plus onéreuse que les autres traitements biologiques on site,
- les quantités traitées par unité de temps sont assez limitées (du fait de la taille des installations et des temps de séjour nécessaires),
- le traitement nécessite une technicité et des moyens beaucoup plus conséquents que les autres types de traitements biologiques on site,
- le système nécessite souvent un tri au préalable ; les granulométries supérieures à 4 à 5 mm sont souvent exclues du procédé,
- les surfaces nécessaires demeurent importantes (les unités commercialisées nécessitent une surface de 0,05 à 0,1 ha pour un réacteur de 1 000 m3); les temps de séjour dans la filière sont élevés (de quelques jours à quelques semaines),
- le devenir des sols excavés doit être examiné avec attention (une fois excavés, les sols pollués sont considérés comme des déchets),
- l'ajout d’eau augmente le volume à traiter de manière importante, les surcoûts de déshydratation des sols sont un des facteurs limitants de ce procédé,
- plus que tout autre procédé biologique, le procédé est encore marginal, et l’utilisation des expériences passées doit se faire avec précaution,
- le ratio carbone/azote/phosphate/potassium doit être maintenu autour de 100/15/1/1,
- le pH doit être compris entre 4,5 et 8,8,
- la température doit être comprise entre 15 et 35°C ; des températures faibles diminuent considérablement l’efficacité du traitement,
- les émissions atmosphériques nécessitent parfois un traitement d’air (surcoût),
- les concentrations élevées peuvent être toxiques pour les microorganismes et peuvent rallonger les temps de traitement voire nuire au procédé,
- les concentrations élevées en métaux/métalloïdes sont incompatibles avec ce procédé (sauf dans certains cas comme la biolixiviation ou la bioprécipitation),
- un prétraitement non biologique peut être nécessaire pour diminuer les teneurs en métaux/métalloïdes ou en polluants.
Coûts et délais
Coûts
Les coûts varient entre 50 et 120 €/t de sols traités. (BRGM, 2010)
Délais
Les temps de traitements sont plus rapides que pour les autres traitements biologiques ; ils sont en effet de l’ordre de quelques semaines à quelques mois.
Maturité et efficacité
Maturité
Le procédé est commercialisé dans les différents pays mais il reste peu utilisé du fait de son coût beaucoup plus important que les autres traitements biologiques.
Efficacité
Le rendement de ce procédé varie fortement en fonction des conditions du milieu ; il peut dans certains cas atteindre plus de 98-99% si le temps de traitement est suffisamment long et si les conditions sont favorables.
Taux d'utilisation
Aucun acteur n’a déclaré avoir utilisé les Bioréacteurs en 2012.
En 2012, le traitement biologique a été la deuxième famille de traitement la plus utilisée (avec plus de 37% des tonnages de terres totaux), derrière les traitements physico-chimiques (plus de 55% des tonnages totaux de terres). Il est toutefois important de noter que les traitements physico-chimiques sont principalement liés à des chantiers de venting-bioventing (technique la plus utilisée pour traiter les sols, avec près de 35% des tonnages totaux à elle seule), chantiers généralement pluri-annuels ce qui peut entraîner une surestimation des volumes de sols réellement traités par venting-bioventing sur l'année 2012. Après le venting-bioventing et à part les évacuations en Installation de Stockage de Déchets Inertes (environ 10% des tonnages totaux), les trois techniques les plus utilisées sont des techniques de traitement biologiques (Installation de traitement biologique hors-site (biocentre), bio-augmentation/bio-stimulation in situ, biodégradation sur site (biotertre)), avec respectivement 11%, 9% et 7% des tonnages de terres traitées. Les traitements biologiques sont des techniques éprouvées et maîtrisées par une grande partie des acteurs de la dépollution. Ces traitements sont efficaces sur un grand nombre de polluants organiques et en particulier les hydrocarbures et les solvants halogénés et ont l’avantage d’être peu coûteux.
(ADEME, 2015)
Centres de traitement
Références bibliographiques et sites ressources
Bibliographie
ADEME (2009)
Traitabilité des sols pollués - Guide méthodologique pour la sélection des techniques et l'évaluation de leurs performances. Guide méthodologique. Version 0 - 15 octobre 2009, 123 p.
https://ssp-infoterre.brgm.fr/fr/guide/traitabilite-ssp-selection-techniques-evaluation-performances
ADEME (2015)
Taux d'utilisation et coûts des différentes techniques et filières de traitement des sols et des eaux souterraines pollués en France (Les)
Étude Ernst & Young. Synthèse des données 2012, 148 p. (Fichier PDF - 6,13 Mo)
BRGM (Juin 2010)
Quelles techniques pour quels traitements - Analyse coûts-bénéfices
S. Colombano, A. Saada, V. Guerin, P. Bataillard, G. Bellenfant, S. Beranger, D. Hube, C. Blanc, C. Zornig et I. Girardeau
Rapport final BRGM/RP-58609-FR
http://ssp-infoterre.brgm.fr/quelles-techniques-quels-traitements
http://infoterre.brgm.fr/rapports/RP-58609-FR.pdf