Mis à jour le 27/11/2024

Principe

Lorsque des canalisations en matière plastique traversent une zone polluée par des composés volatils, les polluants présents sous forme gazeuse, aqueuse ou le produit pur peuvent traverser la paroi de la canalisation et ainsi dégrader la qualité du fluide qui transite dans la canalisation (y compris s’il est sous pression) : ce phénomène s’appelle la perméation.

Cela peut concerner aussi bien des canalisations d’alimentation, qu’il s’agisse d’eau du robinet ou d’eau industrielle, que des canalisations d’évacuation des eaux usées ou pluviales. Dans le premier cas, la pollution de l’eau peut être problématique tant du point de vue de son ingestion que de l’inhalation des vapeurs polluantes libérées lors de son utilisation. Dans le deuxième cas, les canalisations débouchant directement dans les logements (par exemple : via les siphons et les grilles d’évacuation des eaux) constituent des chemins préférentiels de dégazage pour les vapeurs accumulées dans ces canalisations.

Outre le déplacement ou l’installation d’une nouvelle canalisation dans une zone non polluée ou non susceptible de l’être, le moyen le plus sûr d’empêcher toute perméation est d’utiliser une canalisation métallique. D’autres solutions sont également proposées dans cette fiche.

Ces mesures peuvent constituer une mesure de gestion suffisante. Néanmoins, une réflexion systématique doit être menée pour juger de la pertinence d’un traitement de la source à l’origine de la perméation.


Description

Description du phénomène

Les molécules de gaz de petites tailles peuvent passer à travers la structure d’un matériau poreux en plastique par diffusion, même en l'absence de défaillance mécanique de celui-ci. Cette perméation peut se produire soit au niveau des parois des canalisations, soit à travers les joints qui les relient. Ce processus physico-chimique se déroule en trois étapes successives :

  • Accumulation du polluant préférentiellement à l’interface entre le sol et la paroi de la canalisation (par absorption ou adsorption),
  • Diffusion du polluant à travers les pores du matériau,
  • Diffusion du polluant de la paroi de la canalisation vers le fluide qui y circule (désorption ou évaporation).
     

Paramètres influençant le phénomène

a. Le type de canalisation

Les parois de canalisations métalliques ne sont pas sujettes à la perméation. (Néanmoins, une attention particulière devra être portée aux joints utilisés pour relier ces canalisations entre elles).

Les canalisations en PVC sont généralement moins sujettes à la perméation que les canalisations en PE (polyéthylène) et PB (polybutylène). En effet, le PVC étant un polymère amorphe, sa porosité (et donc le risque de perméation) est plus faible que celle liée aux réseaux semi-cristallins du PE et du PB. On n’oubliera pas néanmoins que le chlore utilisé dans la désinfection de l’eau peut faire gonfler le PVC et donc accélérer son vieillissement.

La densité du réseau (par exemple : PEHD (PE haute densité) versus PELD (PE faible densité)) influe également sur la perméation : plus un matériau est dense, plus la perméation sera faible.

b. L’épaisseur de la paroi

Plus l’épaisseur de la canalisation est importante, plus la perméation sera faible.

c. Les joints utilisés

Les joints en caoutchouc à base de styrène-butadiène ou d’acrylonitrile butadiène sont plus appropriés pour des sols pollués. La deuxième solution est toutefois plus onéreuse.
Les composés organiques diffusent 5 à 100 fois plus vite à travers les joints qu’au travers de la canalisation elle-même. Néanmoins, les conséquences en termes de pollution des eaux sont modérées puisque la surface de transfert de masse associée aux joints est bien plus faible que celle de la canalisation.

d. La température

La perméation augmente avec la température.

e. La teneur en matière organique dans les sols

La perméation diminue généralement avec l’augmentation de la teneur en matière organique dans les sols.

f. Le débit du fluide

La perméation augmente avec la diminution du débit et de la turbulence du liquide qui s'écoule dans la canalisation.

g. L’humidité des sols

La perméation diminue avec l’augmentation de l’humidité des sols.

h. La concentration en polluant

Plus la concentration des gaz est élevée, plus la perméation est importante et rapide. Ainsi, en cas de contact avec de l’essence pure, la perméation (prioritairement le benzène et le toluène) peut se produire en 1 semaine à travers une canalisation en PE (Mao et al., 2006). Dans le cas d'un tuyau PVC exposé à des solvants purs (respectivement TCE, benzène et toluène), Ong et al (2008) ont mis en évidence des perméations se produisant respectivement au bout de 6,5, 16 et 20 jours. Ces études ont également mis en évidence que la perméation peut avoir lieu en présence de vapeurs de solvants, sans contact direct entre les solvants (pur ou présents dans les sols) avec les canalisations.

En cas de mélange, la présence d’un composant très sujet à la perméation augmente la perméation des autres polluants.

i. Le type de polluant

Les molécules linéaires (ou de structure moléculaire similaire au polymère de la canalisation) diffusent jusqu’à 1 000 fois plus rapidement que les molécules « rigides ». Plus le poids moléculaire de la molécule augmente, plus la perméation diminue.

Les polluants organiques les plus concernés par la perméation sont :

  • perméation importante : polluants organiques volatils, composés organiques lipophiles : aromatiques alkylés et hydrocarbures chlorés. Plus précisément, cela concerne les BTEX, les chlorés (trichloroéthylène, tétrachloroéthylène, dichlorométhane) et les chlorobenzènes ;
  • perméation faible : composés polaires : cétones et phénols, alcanes légers (cyclohexane), certains HAP (naphtalène), certains aldéhydes (benzaldéhyde);
  • les molécules complexes comme les pesticides ne traversent pas les conduites.

Solutions envisageables

Les solutions ci-dessous sont présentées dans l’ordre dans lequel il est préconisé de les envisager.

  • Implanter une nouvelle canalisation ou déplacer une canalisation impactée par un phénomène de perméation dans une zone non polluée ou non susceptible de l’être (par exemple, on évitera de placer une canalisation sensible à la perméation, à proximité d’une cuve de stockage d’hydrocarbures ou de solvants, qu’elle soit ancienne, actuelle ou future). Dans le cas d’une canalisation ayant subi un phénomène de perméation, son remplacement est obligatoire, puisqu’elle est désormais beaucoup moins résistante à une éventuelle nouvelle perméation.
    Le remblaiement de la tranchée avec des matériaux sains « non polluants » doit être prévu, comme rappelé dans la norme NF P98-331, « Chaussées et dépendances : Tranchées : ouverture, remblayage, réfection ». Afin d’apporter davantage de sécurité contre tout risque de perméation, la mise en place de conduites métalliques ou multicouches est recommandée.
    L’implantation ou le déplacement d’une canalisation sont l’occasion d’actualiser le plan de récolement des réseaux.
  • Utiliser des canalisations non sujettes à la perméation. Pour cela, des tuyaux métalliques sont recommandés. Outre des canalisations totalement métalliques, des tuyauteries multicouches (en PE-Al-PE par exemple) empêchent toute perméation, grâce à la couche d’aluminium présente dans la paroi du tuyau. Une attention particulière devra néanmoins être portée aux joints utilisés pour raccorder les tuyaux les uns aux autres.
Figure 1 - Schéma d'une canalisation ne permettant pas la perméation.
Figure 1 - Schéma d'une canalisation ne permettant pas la perméation.
  • Installer des barrières en bentonite autour des canalisations pour les protéger. Pour cela, on utilise une membrane mixte, à base de polypropylène (une géomembrane) et de la bentonite sodique, recouverte d’une couche de remblais non pollués d’environ 30 cm afin de la protéger.
  • Il peut être envisager de rechemiser une canalisation, c’est-à-dire de faire passer une nouvelle canalisation plus étroite à l’intérieur de la canalisation polluée. L’utilisation d’une canalisation métallique sera privilégiée afin d’éviter tout risque de nouvelle perméation à travers la nouvelle canalisation. L’étude de la problématique (notamment des pertes de charges) liée au passage d’une même quantité de fluide dans une canalisation de diamètre plus petit devra être préalablement réalisée.

Contrôles préalables, résultats et conclusions

S’agissant d’un milieu particulièrement sensible faisant l’objet d’un suivi sanitaire par l’ARS, les modalités de suivi et de restitution des résultats pourront être définies en concertation avec les autorités sanitaires. Le retour d’expérience montre que différentes pratiques sont possibles (prélèvements rapprochés avec un suivi sur quelques semaines ou quelques mois ou prélèvement annuel pendant toute la durée d’un bilan quadriennal). Quelques préconisations sont à valider au préalable avec l’ARS :

Cas d’une canalisation existante

  • Détermination du type de canalisation (métallique ou non),
  • Analyse de la qualité de l'eau potable acheminée en amont et en aval de la zone polluée,
  • Analyse de la qualité des sols (gaz du sol, produits pur) au droit de la zone polluée et à proximité de la canalisation,
  • Adaptation des composés recherchés à la pollution attendue.

En fonction des résultats, la pertinence de la mise en œuvre d’une mesure constructive sera à étudier :

a. Présence de composés volatils dans l’eau circulant dans la canalisation à des concentrations supérieures aux valeurs réglementaires

  • Coupure / isolement de l'alimentation en eau potable sur le secteur problématique et substitution de l'alimentation en eau (interconnexion voire fourniture de bouteilles d'eau),
  • Recherche et identification de l'origine de la pollution, y compris en intégrant les risques pour le personnel qui pourrait réaliser des travaux au droit de cette zone polluée,
  • Mise en œuvre de travaux nécessaires (déplacement, remplacement, …), en assurant la santé et la sécurité du personnel les réalisant, vis-à-vis des risques sanitaires éventuellement mis en évidence lors de l'étape précédente,
  • Si nécessaire, mise en place de servitudes et conservation de la mémoire de la situation.

b. Présence de composés volatils dans l’eau circulant dans la canalisation à des concentrations inférieures aux valeurs réglementaires

  • Recherche et identification de l'origine de la pollution, y compris en intégrant les risques pour le personnel qui pourrait réaliser des travaux au droit de cette zone polluée,
  • En fonction du délai de réalisation de cette recherche, mise en place d’une surveillance dans l’attente de l’identification de l’origine de la pollution et de son éventuel traitement,
  • La mise en œuvre de travaux nécessaires (déplacement, remplacement, …) peut aussi être envisagée, en assurant la santé et la sécurité du personnel les réalisant, vis-à-vis des risques sanitaires éventuellement mis en évidence lors de l'étape précédente,
  • Si nécessaire, mise en place de servitudes et conservation de la mémoire.

c. Absence de composé volatil dans l'eau transportée

  • Deux cas peuvent se présenter :
    • Présence d’une canalisation métallique, non sujette à la perméation. Dans ce cas, et en l'absence d'une dépollution de la zone polluée, il est nécessaire d’exiger cette nature de matériau en cas de changement ultérieur de la canalisation. La conservation de la mémoire de cette situation peut se concrétiser par la mise en place de servitudes.
    • Présence d’une canalisation potentiellement sujette à la perméation. Dans ce cas, une surveillance de la qualité de l’eau transportée est prévoir, en l’absence de dépollution de la zone traversée par la canalisation.

Cas d’une canalisation à installer

Diagnostic environnemental adapté au contexte (si nécessaire, selon l'existence ou non de données environnementales) au droit de la zone (potentiellement) polluée.

En fonction des résultats du diagnostic, la pertinence de la mise en œuvre d’une mesure constructive sera à étudier :

a. Présence de polluants organiques (notamment parmi les familles de polluants présentées dans le § Description) au droit ou à proximité de la zone de passage de la canalisation

  • Neutralisation totale de la source de pollution (y compris en intégrant les risques pour le personnel qui réalisera ces travaux) et remblaiement de la tranchée avec des matériaux sains. Si la gestion de la pollution est définitive (ie : pas de dégradation possible de la situation à l’avenir), une canalisation classique peut être envisagée.

A défaut d’une gestion totale de la pollution ou si une dégradation est possible à l’avenir :

  • Si cela est envisageable, déplacement de la canalisation dans une zone non polluée et non susceptible de l’être,

ET/OU

  • Adaptation du type de canalisation (non sujette à la perméation) à la pollution rencontrée,

ET/OU

  • Installer des barrières de bentonite autour des canalisation pour les protéger.

DANS TOUS LES CAS :

  • Mise en place de servitudes et conservation de la mémoire de la situation.

b. Absence de polluants organiques (notamment parmi les familles de polluants présentées dans le § Description) au droit ou à proximité de la zone de passage de la canalisation

Sans objet


Recommandations post-installation

  • Contrôle de la qualité de l'eau à l'issue des travaux (cas d’une canalisation existante dans laquelle des polluants ont été mis en évidence avant les travaux et cas d’une canalisation à installer dans une zone ayant présenté des pollutions volatiles),
  • Surveillance ultérieure selon décision de l'exploitant du réseau et des autorités sanitaires.

Dimensionnement

Le diamètre de la canalisation doit être adapté en fonction du débit devant circuler dans la canalisation et de la perte de charge acceptable.


Coûts

Tableau 1a. Récapitulatif des coûts des méthodes de gestion du risque de perméation
Mesure constructive Coût d’installation (matériel et main d’œuvre, hors étude préalable et supervision)  Source / Date
Changement du cheminement de la canalisation Dépend du type de canalisation, de la longueur de tuyauterie à changer, de la profondeur d'enfouissement, etc. -
Remplacer une canalisation 130 à 250 €/mètre linéaire selon le lieu (rural, semi-urbain, urbain), le type de canalisation, la longueur de tuyauterie à changer, la profondeur d'enfouissement, etc.  Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse, 2017; Que choisir ?, 2005; Retour d'expérience interne.
Mettre en place une barrière de bentonite autour d'une canalisation (type géosynthétique bentonitique) 15 €/m² fourni et posé (hors remblaiement avec matériaux sains).  Retour d'expérience interne.
Utiliser une canalisation en PE-Al-PE Entre 5 et 60 € HT/m (hors installation). Retour d'expérience interne.
Tableau 1b. Récapitulatif des coûts des méthodes de gestion du risque de perméation
Mesure constructive Coût de fonctionnement / consommation électrique Coût d’entretien (hors prélèvements et analyses éventuels) Paramètres influençant principalement le coût
Changement du cheminement de la canalisation A priori aucun A priori aucun surcoût supplémentaire par rapport à l'entretien standard d'une canalisation Dépend du type de canalisation, de la longueur de tuyauterie à changer, de la profondeur d'enfouissement, etc.
Remplacer une canalisation A priori aucun A priori aucun surcoût supplémentaire par rapport à l'entretien standard d'une canalisation Dépend de l'existence d'une dalle à démolir pour accéder aux réseaux, de la présence de réseaux à proximité, du diamètre de la tuyauterie
Mettre en place une barrière de bentonite autour d'une canalisation (type géosynthétique bentonitique) A priori aucun A priori aucun surcoût supplémentaire par rapport à l'entretien standard d'une canalisation Dépend principalement des dimensions de la tranchée (largeur, longueur, profondeur)
Utiliser une canalisation en PE-Al-PE A priori aucun A priori aucun surcoût supplémentaire par rapport à l'entretien standard d'une canalisation Dépend principalement du diamètre du tuyau (ici entre 16 et 63 mm)

Références

Bibliographie

Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse (2017)
Renouvellement et réduction des fuites des canalisation d'eau potable - Étude des coûts
Observatoire des coûts. Eau potable. 76 p
https://reseau-eau.educagri.fr/files/fichierRessource1_Rapport-analyse-couts-reseaux-AEP.pdf

BRGM (Août 2014) 
Guide relatif aux mesures constructives utilisables dans le domaine des SSP
Leprond H., Lion F., Colombano S. avec la collaboration de Windholtz J.(2014)
Rapport final BRGM/RP-63675-FR,172p., 26 fig., 19 tabl., 5 ann.
http://ssp-infoterre.brgm.fr/guide-relatif-aux-mesures-constructives
http://infoterre.brgm.fr/rapports/RP-63675-FR.pdf

Mao, F., Gaunt, J. A., Ong, S. K, (2006)
Permeation of Petroleum-Based Aromatics Compounds Through Polyethylene Pipes Under Simulated Field Conditions
Department of Civil, Construction, and Environmental Engineering, Iowa State University, Ames IA 50010, USA
2006 American Water Works Association Annual Conference
https://ascelibrary.org/doi/10.1061/%28ASCE%29EE.1943-7870.0000431

Norme NF P98-331 (février 2005)
Chaussées et dépendances - Tranchées : ouverture, remblayage, réfection
AFNOR
https://www.boutique.afnor.org/norme/nf-p98-331/chaussees-et-dependances-tranchees-ouverture-remblayage-refection/article/684940/fa122302

Ong, S. K., Gaunt, J. , Mao, F., Cheng, C.L., Esteve-Agelet, L., Hurburgh, C., (2008)
Impact of Hydrocarbons on PE/PVC Pipes and Pipe GAskets, AwwaRF, Denver
Iowa State University
https://www.waterrf.org/research/projects/impact-hydrocarbons-pepvc-pipes-and-pipe-gaskets

Que choisir? (2007)
Profits de l'eau - Le modèle de calcul de l'UFC-Que Choisir
Dossier de presse
http://www.quechoisir.org/environnement-energie/eau/eau-potable/etude-profits-de-l-eau-le-modele-de-calcul-de-l-ufc-que-choisir

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